Hydrogénations énantiosélectives par catalyse hétérogène

Marc-André Laliberté, Vincent Demers-Carpentier, Stéphane Lavoie, Gautier Mahieu

Réactions de métathèses catalysées par le b-Mo2C

Israel Temprano, Nathalie Dubuc, Mohamed Siaj


Mécanisme de la réaction d'Orito - Hydrogénation énantiosélective par catalyse hétérogène

Le terme « chiral » vient du mot grec cheir qui veut dire « main ». La main gauche et la main droite sont des entités chirales puisqu’il est impossible de les superposer l’une sur l’autre, des images miroirs en d’autres termes. Ainsi, le seul récepteur approprié pour la main gauche serait un gant gauche. Dans le monde de l’infiniment petit, maintes molécules sont présentes en sous leurs deux formes miroirs, appelées des énantiomères (R) et (S). (R) signifie rectus (droit) et (S) signifie sinister (gauche). Un mélange de 50 % (R) et 50 % (S) d’une molécule est un mélange dit racémique. Un produit qui est 100 % (S) ou 100 % (R) est dit énantiomèriquement, ou optiquement, pur.
La chiralité prend toute son importance dans le corps humain où les divers récepteurs y sont extraordinairement sensibles. Par exemple, les énantiomères (R) et (S) du carvone présentent des odeurs différentes : menthe verte et cumin. Ceci nous indique que le sens de l’odorat fait intervenir des récepteurs chiraux. L’acide lactique qui fait mal aux muscles est l’image miroir de l’acide lactique trouvé dans le lait. L’énantiomère d’une molécule peut être digérée tandis que l’autre sera rejetée sans être assimilée par le corps. Le dextrose est moins néfaste pour les personnes diabètes que son image miroir, le lévulose. Dans certains cas, un énantiomère d’un médicament peut avoir un effet thérapeutique tandis que l’autre peut avoir des effets les plus nocifs. De plus, les propriétés pharmacinétiques (absorption, distribution, biotransformation et excrétion) sont fonction de la chiralité d’un médicament.
Les directives de le FDA (Food and Drug Administration) forcent l’industrie pharmaceutique vers la production des médicaments qui sont énantiomèriquement purs. Plus précisément, il faut que  la bioactivité du médicament soit connue pour les deux énantiomères. En conséquence, une industrie pharmaceutique pourrait prolonger la protection de ses droits sur une drogue simplement en remplaçant un produit racémique par le même produit en forme énantiomèriquement pur. En 2004, les quatres médicaments les plus vendus furent le Liptor (12.0 milliards$), le Zocor (5.9 milliards$), le Plavix (5.0 milliards$) et le Nexium (4.8 milliards$), tous étant des énantiomères. Plus des deux tiers des médicaments couramment en développement sont énantiomèriquement purs.
On peut facilement conclure que l’avenir de l’industrie pharmaceutique, un des secteurs clés de l’économie Québécoise, est fortement liée à la synthèse de médicaments énantiomèriquement purs.
        Les défis posés par ce virage obligatoire vers des produits énatiomériquement purs sont énormes et multiples. D’abord, il faut faire la synthèse asymétrique, c'est-à-dire la synthèse qui mène à un seul énantiomère plutôt qu’un mélange racémique. Ce défi fait appel à la catalyse.
En 1979, Orito et al. ont publié leur recherche faisant état d’une réaction de catalyse hétérogène énantiosélective pour l’hydrogénation des a-cétoesters sur une surface de platine modifiée chiralement. Aujourd’hui, cette réaction donne des productions de l’ordre du kilogramme avec des excès énantiomériques atteignant plus de 97,5% dans certains cas. Malgré ces faits encourageants, le mécanisme est toujours un sujet de débat intense dans la communauté scientifique malgré les multiples recherches à ce jour effectuées. Une connaissance approfondie du mécanisme permettrait d’étendre ses principes pour développer davantage de systèmes de catalyse hétérogène efficaces dans la synthèse asymétrique, étant donné la demande toujours grandissante de produits optiquement purs et le nombre très restreint de ces systèmes. L’avantage de ce type de réactions sur la catalyse homogène provient directement du catalyseur qui constitue à lui seul une phase dans le système. Ceci implique une phase de séparation beaucoup plus facile et une toxicité moindre, ce qui permet une économie substantielle pour les industriels.
Les informations à trouver pour résoudre le mécanisme de la réaction d’Orito sont très nombreuses. Ce système est très complexe étant donné le nombre de composants interagissant dans la chambre réactionnelle. Le système est composé du catalyseur (platine supporté par l’alumine), du modificateur adsorbé sur le catalyseur (dérivés d’alcaloïdes), du réactif (a-cétoesters ou autres cétone activées), du solvant (ex. : toluène, chloroforme), du produit formé (lactates ou alcools) et de l’hydrogène. Diverses stratégies sont utilisées par plusieurs groupes de chercheurs à travers le monde pour tenter de connaître la nature des diverses interactions entre les composants. Ces champs d’études peuvent être groupés en quatre catégories : les calculs théoriques, les études spectroscopiques in situ, les études intrinsèques en catalyse et les études sous ultra-haut vide (UHV).
Les calculs théoriques permettent de fournir une information précise et localisée de la surface sans les conditions « réelles » grâce entre autres à des analyses conformationnelles entre différents composants. Ces informations servent aussi à appuyer les résultats expérimentaux.
Les résultats des études spectroscopiques in situ en ATR-IR donnent une information sur la géométrie d’adsorption du modificateur dans les conditions de la réaction d’Orito. Ces études offrent de belles perspectives concernant les études de réactions catalytiques puisqu’elles permettent une étude vibrationnelle en milieu réactionnel.
 Les études intrinsèques en catalyse donnent quant à elles des données expérimentales concernant l’effet des composants sur la cinétique de la réaction. Ceci permet entre autres de développer et faire des essais avec de nouveaux modificateurs. En ayant cette information, il est aussitôt possible de faire des études plus en profondeur grâce aux calculs théoriques et aux études UHV.
Les études UHV, telles que réalisés dans notre laboratoire, ont pour avantage de donner des informations sur l’orientation des molécules ainsi que sur les diverses interactions à la surface du catalyseur. Ces informations clés sont critiques pour la recherche du mécanisme tel que le démontre nos récentes études qui ont d’ailleurs permises de proposer un nouveau mécanisme d’hydrogénation énantiosélective pour la réaction d’Orito. Ce mécanisme donne une explication sur le rôle du métal en même temps que sur l’énantiodifférentiation, ce qui le différencie des précédents mécanismes proposés. À ce jour, peu d’études ont été effectuées sur des systèmes à vide.
Jusqu'à maintenant, nos contributions furent d'abord de soumettre le nouveau mécanisme impliquant une liaison hydrogène entre l'amine du modificateur et le groupement ester du pyruvate de méthyle (et non le groupement cétonique à être hydrogéné) ainsi qu'une seconde liaison hydrogène entre le groupement cétonique et le cycle aromatique qui sert aussi d'ancrage au modificateur. Ces premiers résultats furent basés sur des études RAIRS et TPD. Nous avons ensuite démontré la pertinence d'une liaison hydrogène avec les hydrogènes du cycle aromatique par des études de coadsorption avec le benzène et avec le toluène, par RAIRS et TPD. Des études en catalyse réelle sont aussi en cours. Des études comparatives avec le Pt(111) et le Ni(111) ont aussi permit d'éclaircir le rôle de la surface dans le mécanisme d'hydrogénation. Des études HREELS à venir permettront davantage de comprendre ce phénomène de surface particulier en plus de confirmer la présence de l'importante liaison hydrogène entre les cycles aromatiques et le substrat. Finalement, notre installation STM permet déjà d'obtenir de très bonnes images qui apportent des précisions sur l'adsortion des substrats et leur coadsorption avec des molécules aromatiques.


 À venir...